Un matin d’hiver, dans cette forêt enneigée, un homme nu marche depuis trois-quarts d’heure, puis se baigne dans le ruisseau…Deux ans, après me revoici nu, marchant dans la nuit pour me plonger dans la rivière, vers le refuge, après une séance de sauna dans la hutte de sudation !
Il faut dire qu’elle était particulièrement savoureuse cette fin de journée…Arrivée au refuge en milieu d’après-midi, quelques jours avant le nouvel an, je m’adonne au rituel, propre au refuge : aérer la maison… Chercher de l’eau… Ramasser du bois… Allumer le feu…
Ah ! Le feu… Dans la perspective du sauna, il a un goût particulier aujourd’hui ! C’est une cérémonie bien propre : placer les roches volcaniques… Chiffonner le papier journal… Dresser le tipi de bois… Craquer l’allumette… L’édifice s’embrasse ! À la fois, le feu chauffe à la maison et en même temps les pierres pour le sauna.
Pendant ce temps, je peux aller monter la hutte. C’est maintenant la troisième que je construis, mon geste devient plus rapide et précis : huit branches de noisetier plantées en cercle, de la ficelle pour les assembler et former un dôme. Je place alors une baguette à mi-hauteur de la hutte pour rigidifier la structure.
Voilà ! C’est prêt, je peux poser dessus les dix couvertures en laine, de manière à ce que l’air extérieure ne passe plus. J’enchaîne ensuite avec les toiles de tentes. Parfait ! L’ensemble est étanche à l’air. Je prépare ensuite l’intérieur pour avoir un bel espace confortable : un banc en bois… Une bougie… La vasque qui accueillera les pierres… La cruche d’eau avec l’huile essentielle d’eucalyptus… Le gant en ficelle pour me frotter le corps… Il ne manque plus que l’eau pour m’asperger à la suite du sauna !
Au bout de deux heures, il est temps d’aller chercher les pierres : certaines sont rouges ! Je les prends avec précaution, et les transporte dans un vieux caquelon en métal. Elles trouvent alors leur place au milieu de la hutte. Je referme la porte, le temps de me préparer et ainsi de bénéficier de la chaleur des pierres à mon retour. Une fois à l’intérieur, je verse l’eau sur les pierres, dégageant ainsi une lourde vapeur d’eau parfumée ! Quel pied !…
La chaleur se diffuse et vient au contact de tout mon corps… La sueur apparaît. Quelques gouttes…Puis, en quelques minutes, une vraie rivière… Je reste quelques minutes… 10… Peut-être 15… Peut-être plus ! Le temps s’arrête à l’intérieur…
Mon corps chaud savoure le contact avec la fraîcheur extérieure… Le vent… La pluie… Je regarde les seaux d’eau à l’extérieur, mais l’appel de la rivière en contrebas est trop fort, je décide de descendre à travers bois pour me plonger dans la rivière ! La descente est agréable, la chaleur de mon corps rend le contact avec les branches humides des sapins délicieux… Avant-goût de la rivière… Je me plonge ensuite dans l’eau ! Je ne laisse pas mes pensées hésiter!… Sentir le courant sur mon corps allongé… Quel bonheur en sortant ! État d’euphorie… De joie… De calme.
Je remonte à la hutte, la fraîcheur du vent se fait plus présente. Je ne résiste pas à faire une deuxième séance. Surprise ! Les pierres sont encore très chaudes… Le temps s’arrête…
En relisant tout ce récit, je fais le lien avec cette recherche que je lis en ce moment : « Les pouvoirs extraordinaires du froid » de Suzanne, Søberg. Surtout, j’y trouve des réponses à mes questions de Petit : « Pourquoi suis-je devenu accro au bain en eau froide ? » « qu’est-ce que ça vient nourrir chez moi ? »…
Depuis plus de deux ans, je dois avoir un rythme de trois ou quatre bains par semaine… Dans les ruisseaux… Dans les rivières… Dans les fleuves… Sous les cascades… Dans la mer… Dans une fontaine… Ou tout simplement, la douche froide du matin, rituel que j’ai adopté depuis trois ou quatre ans…
Dans son livre, elle décrit le fruit d’une recherche de trois ans auprès de nageurs hivernaux au Danemark.
J’apprends de cette lecture que le cerveau perçoit la plongée en eau froide comme une menace, qui met en jeu sa survie passant en mode combat/fuite. L’organisme réagit donc à ce choc thermique en le cherchant à le réchauffer et à préserver les organes vitaux. Au choc thermique, l'organisme adopte deux réactions en simultané. Une activation du sytème nerveux d'un coté, qui déclenche l'état d'urgence avec une augmentation du rythme cardiaque et d'un autre coté une activation des thermorécepteurs périphériques, se traduisant par une recherche du souffle et une hyperventilation. L'organisme cherche alors à se réchauffer avec l'activation de la graisse brune qui utilise les glucides et les lipides présents dans le sang pour produire de la chaleur. Des frissons apparaîtront lorsque la graisse brune n'arrive plus à maintenir la température corporelle. Le système nerveux sympathique assure une activation hormonale de l'adrénaline, la noradrénaline et du cortisol. En réponse à cette cascade hormonale d’autres hormones sont sécrétées procurant de la joie, le bonheur et un équilibre mental : il s’agit des endorphines, de la dopamine et de la sérotonine.
Je comprends ainsi pourquoi je me sens si bien en sortant et que je ressens de la joie.
Un autre apprentissage que je fais de ce livre et l’activation et le développement de la graisse brune, qui, toujours dans une optique de réchauffement du corps, va brûler de la graisse blanche et agir comme une activité physique type jogging. Le livre met également l’accent sur l’effet du sauna cumulé à la plongée en eau froide. Les deux pratiques sont des facteurs de stress pour l’organisme qui va déployer des stratégies pour s’adapter et protéger les organes vitaux. Notamment la production d’hormones, la baisse du rythme cardiaque ou de la pression artérielle. Je comprends alors la portée de ma pratique pour mon corps.
Le plus interpellant pour moi et la prise de conscience, de l’effet, de l’eau froide et du sauna sur ma santé mentale. L’eau froide réduit de 30 % le flux sanguin dans le cerveau, diminuant ainsi, les fonctions cognitives améliorant l’humeur. Le fait de plonger coupe mon mental, car je suis tout entier dans l’instant est centré sur les sensations de mon corps.
À la suite de mes expériences et de cette lecture, j’ai envie de partager cette pratique tant elle me fait du bien et je mesure la chance que j’ai de m’être construit cette rue de sudation à proximité du cours d’eau. Cette chance, ce rappel à moi, quand, au sortir de là, la mésange à tête noire, siffle avec ardeur.